
Parmi les nombreuses spécialités normandes, impossible de passer à côté de la renommée Teurgoule dont le nom signifie bien littéralement « tordre la goule, gueule » comme il est facile de le deviner.
Cuit durant de très longues heures dans un plat en terre semblable à une terrine en grès évasée, (à l’origine dans un four à pain après la cuisson de ces derniers), ce dessert à base de riz, de lait, de sucre et de cannelle ou de vanille selon les goûts et les familles, est peut-être l’un des plus appréciés et connus de Normandie.
D’après les divers récits historiques, ce dessert serait originaire de Honfleur (Calvados), et selon la mémoire populaire, il aurait été inventé par François Orceau de Fontette (1718-1794), intendant de la Généralité de Caen nommé par Louis XV en 1752.
En effet, après un printemps trop humide et un été tout aussi pluvieux, les paysans auraient perdu leurs récoltes, et ce dernier -trois ans après sa nomination- aurait été chargé de trouver une solution afin d’apaiser les inquiétudes et les tensions, et d’éviter ainsi une crise due au manque de nourriture dans les campagnes comme dans les villes normandes.
Il réquisitionna alors un bateau chargé de riz et d’épices qui aurait été, d’après certains récits, un bateau corsaire débarqué dans le port de Honfleur, mais rien ne permet vraiment de confirmer ou d’infirmer ce point….
Cela dit, cette jolie légende reste tout de même parfaitement plausible car la perte de récoltes a bien eu lieu au début de la guerre de Sept Ans (1756-01763), guerre qui opposait à nouveau la France à l’Angleterre et durant laquelle plusieurs bateaux anglais arrivant d’Amérique furent capturés et débarqués en France, notamment en Normandie.
Que cette partie du récit soit réelle ou une simple légende, dans les deux cas, il fut proposé aux Normands -peut-être un peu hésitant quant à l’utilisation de la cannelle et du riz, tous deux encore assez peu répandus en France à cette époque- une recette afin de les cuisiner avec le lait des vaches normandes.
Très vite et bien qu’ils aient eu à persévérer afin d’obtenir le meilleur résultat possible, ce plat sut gagner le cœur des Normands qui découvrirent également assez rapidement qu’en rajoutant un peu de sucre au mélange de riz, lait et cannelle, ils obtenaient un dessert simple mais délicieux et rassasiant.
C’est sous cette même forme de dessert, et avec les mêmes ingrédients que la Teurgoule a traversé les époques et s’est fait un nom et une place dans la gastronomie normande pour devenir une véritable spécialité régionale à part entière connue et reconnue.

Concernant son nom qui prête à sourire, là encore il existerait plusieurs hypothèses, toutes parfaitement plausibles
La première serait liée à la réaction physique qu’aurait entraînée la saveur inhabituelle de la cannelle sur les palais, à l’époque peu habitués, des premiers goûteurs.
Pour la seconde hypothèse, ces derniers n’auraient simplement pas eu la patience d’attendre que le plat ait refroidi, l’auraient goûté trop rapidement après sa sortie du four, se seraient un peu brûlés la langue et en auraient grimacé…
Et enfin, la dernière hypothèse serait que les premiers essais de la recette, peu maîtrisés, donnèrent un résultat si épais qu’il en était presque immangeable…
Dans tous les cas, si aujourd’hui on ne sait toujours pas vraiment laquelle de ces versions est la bonne, on sait en revanche que la texture ou le goût ne font plus beaucoup grimacer…le manque de patience pour attendre que le dessert ait refroidi avant de le déguster, en revanche… !
